Les choses de la vie
Claude Sautet, France, 1970o
Un architecte à succès, séparé de sa famille et oscillant entre sa maîtresse et son épouse déjà nouvellement engagée, est grièvement blessé dans un accident de voiture et se retrouve entre la vie et la mort. À la lumière de cet événement, ses souvenirs fragmentés des petites "choses de la vie", apparemment banales, deviennent à son insu la somme d'une existence déchirée, mais aussi heureuse.
Un exemple brillant de la capacité du mélodrame d'élever une histoire superficiellement triviale au rang d'art par la virtuosité de son seul arrangement : la mise en scène et le montage de Claude Sautet permettent au passé, au présent et à l'avenir de se fondre dans une sorte d'omniprésence le dernier jour de la vie du protagoniste et de naviguer de l'un à l'autre sans effort, au-delà de l'odeur imprégnée de nicotine d'une relation typique du début des années 1970. De plus, Michel Piccoli, Romy Schneider et Lea Massari alternent merveilleusement légèreté et drame. Ainsi le "film de toute sa vie" censé errer au bord de la mort, est ainsi perçu soit comme une illusion nostalgique ou comme la véritable quintessence d'une vie.
Andreas FurlerLe petit monde de Claude Sautet, c’est celui des groupes, des communautés, assemblés dans des cafés où l’on règle ses comptes affectifs, ou des repas de famille ou entre amis, réels, ou en trompe-l’œil. : ainsi, un plan fixe montre Pierre et Hélène entrer dans une soirée dont les convives se situent hors-champ, le spectateur étant cloué sur le palier dès la fermeture de la porte ; de même, le repas de mariage fantasmé par Pierre lors de son hospitalisation nous permet-il de voir réunis des individus ayant côtoyé sa vie ces derniers jours avant le drame. On y trouve même le couple pris en stop (Dominique Zardi et Betty Beckers), auquel il s’est identifié, ainsi que l’infirmier (Jacques Richard) qui lui a tendu le masque à oxygène. C’est que la mélancolie et la mort hantent ce film où l’humour et les agréments sont absents, cette noirceur étant d’autant plus manifeste que le récit est celui d’un homme qui se souvient des jalons de son existence au moment de son accident de la route... C’est d’ailleurs à cet égard que le montage des Choses de la vie est fabuleux, le crash de Pierre donnant lieu à une série de flash-back judicieusement agencés, avec pour leitmotiv le véhicule conduit par un malheureux bétailleur (Bobby Lapointe). Grand film romanesque porté par la sublime partition de Philippe Sarde, Les choses de la vie obtint le Prix Louis Delluc, connut un grand succès public et marqua un tournant dans la carrière de ses deux interprètes à qui Sautet fera de nouveau appel. Michel Piccoli, sobre et puissant, devint, avec Montand, l’acteur vedette le plus important de la période. Après La piscine, Romy Schneider, superbement belle et émouvante, s’inscrivait définitivement dans le paysage du cinéma français dont elle sera la star jusqu’à sa mort.
Gérard CrespoClaude Sautet creates an understatedly haunting, sophisticated, and insightful portrait of emotional attachment, indecision, and intimacy in Les choses de la vie.
Acquarello