Papicha
Mounia Meddour Gens, Algérie, Belgique, France, Qatar, 2019o
Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux "papichas", jolies jeunes filles algériennes. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.
Une seule réserve d'emblée : le final de Papicha n'est pas à la hauteur du reste du film. Mais même cela a sa raison d'être, du point de vue du contenu. Car ce film traite de l'impasse dans laquelle se sont retrouvées les jeunes femmes dans l'Algérie des années 1990, lorsque la terreur islamiste s'est abattue sur le pays, forçant les femmes à porter le hijab et à se retirer de la vie publique. En d'autres termes, la réalisatrice Mounia Meddour, née en 1978, parle indirectement d'elle-même dans ce premier film captivant, lorsqu'elle retrace le parcours de quatre "papichas" dans l'Alger de 1997 - terme local désignant des jeunes femmes sûres d'elles et de leur mode – qui ne veulent pas se laisser priver de leurs rares libertés. Leur chef de file est Nedjma, une jeune styliste au caractère bien trempé qui, après une attaque terroriste contre sa famille, s'est mis en tête d'organiser un défilé de mode provocateur avec des voiles dans son foyer d'étudiantes . Le conflit qui en résulte tourne au drame avec une logique fatale, mais avant d'en arriver là, Meddour et son fantastique caméraman décrivent l'univers de leurs héroïnes et leur environnement de plus en plus claustrophobe avec une telle connaissance et une telle habileté dramaturgique qu'il se développe une attraction paradoxale : Une pure joie de vivre, un pur optimisme en dépit de tous les rebondissements catastrophiques. L'héroïne de Meddour, incarnée par la star-née Lyna Khoudri, persiste finalement à se débattre dans l'étau religieux. La réalisatrice elle-même a émigré en France avec sa famille en 1992.
Andreas FurlerCes libertés, ces audaces ne servent pas toujours le film et son propos, pas plus que les partis pris très systématiques du montage et du cadrage, des plans très courts qui serrent les actrices au plus près. Ces limites n’empêchent pourtant pas Papicha de toucher au coeur de son sujet, la perte de la liberté.
Thomas Sotinel