Le procès Goldman
Cédric Kahn, France, 2023o
En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.
Dans les années 1990, Cédric Kahn comptait parmi les réalisateurs français les plus prometteurs. Au début des années 2000, il signait sa grande œuvre, Roberto Succo, portrait magistral du tueur en série qui défraya la chronique en son temps. Depuis L’avion (2005), échec critique notoire, Cédric Kahn ne s’était jamais vraiment redressé. Il aura fallu attendre Le procès Goldman pour que son œuvre tutoie à nouveau les sommets. Comme alors, le cinéaste puise son inspiration dans un fait divers brûlant, l’affaire Pierre Goldmann. Accusé du meurtre en 1969 de deux pharmaciennes à Paris, le militant d’extrême-gauche crie son innocence dans un livre qu’il rédige en prison, porté aux nues par les milieux intellectuels et activistes de l’époque. Son second procès ultra médiatisé en avril 1976, dont il sort acquitté, constitue la matière du film. Bien qu’on le sente attiré du côté de l’accusé, interprété par un Arieh Worthalter magnétique, le réalisateur ne se substitue pas à l'avocat de la défense. Au contraire, son geste de cinéaste consiste à filmer le procès comme théâtre de la vérité et du mensonge, autrement dit à saisir la dramaturgie de la parole judiciaire : comment celle-ci est distribuée, suspendue, contredite, légitimée, annulée, etc. Pour accueillir ce déchaînement verbal, Cédric Kahn élabore une mise en scène dont la retenue renforce la violence de la situation qu'accueille les murs du tribunal, qui trouve son prolongement dans la salle de cinéma. Le septième art ne ressort pas acquitté, mais grandi de ce procès.
Emilien Gür