Rien à perdre
Delphine Deloget, France, 2023o
Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Ensemble, ils forment une famille soudée. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu'il est seul dans l'appartement et sa mère est au travail. Un signalement est fait, et Sofiane est placé en foyer. Armée d'une avocate, de ses frères et de l'amour de ses enfants, Sylvie est confiante, persuadée d'être plus forte que la machine administrative et judiciaire.
Sylvie (Virginie Efira), mère célibataire et barmaid, s'enfonce dans les méandres d'un labyrinthe kafkaïen après que le plus jeune de ses deux fils, Sofiane, s'est blessé pendant son absence nocturne et a été placé dans un foyer par les services sociaux. Sylvie glisse alors progressivement vers l'abîme, au point de donner presque raison à ceux qui la décrivent comme folle ; les bourreaux ne sont autres qu'un complexe administratif oppressant, dont Sylvie, Sofiane et son frère aîné, Jean-Jacques, semblent être les victimes. Perdue entre un océan de paperasse et quelques rares visites à Sofiane, cette mère ne connaît que de brefs instants de bonheur, que ce soit en compagnie de Jean-Jacques, aussi pâtissier en devenir, ou lors de courtes escapades alcoolisées avec ses amis. Virginie Efira incarne avec douceur et détermination un personnage au bord du gouffre, jusqu'au point de rupture. Et dans les moments de suspension, la protagoniste parvient à emprunter quelques notes à Mabel du chef-d’œuvre Une femme sous influence de John Cassavetes. Pour son premier long métrage de fiction, Delphine Deloget réussit ainsi à conférer une forme de radicalité à des situations où les émotions se déchaînent, où les cris et les gestes semblent dépasser la raison. Quelques faiblesses cependant dans les dialogues plus quotidiens, comme si la normalité ne s’accordait pas au pouvoir envoûtant d'une femme que rien n'arrête.
Adrien Kuenzy