Bon Schuur Ticino
Peter Luisi, Suisse, 2023o
Suite à une folle votation populaire, le français devient la seule langue nationale suisse. Le brave policier fédéral Walter Egli, un cas désespéré en matière de langues étrangères, est chargé d'appliquer la nouvelle réglementation à Zurich et est bientôt expulsé vers le Tessin. Là-bas, une rébellion linguistique ouverte se prépare, dont Egli doit espionner les instigateurs avec un collègue romand.
À partir des années 1970, l'idée des "High Concept Movies" a circulé à Hollywood : des films dont l'idée de base peut être nommée en une phrase et être commercialisée en conséquence. Ciao-Ciao Bourbine fonctionne selon ce principe : lors de la votation sur une initiative populaire, le français s'impose comme seule langue nationale, ce qui pousse les Tessinois à se révolter. Le potentiel comique de ce scénario réside bien sûr dans son absurdité. De plus, le comédien suisse alémanique Beat Schlatter incarne à la fois le père de l'initiative et un fonctionnaire grincheux qui doit imposer la nouvelle réglementation linguistique, bien qu'il soit lui-même un cas désespéré en matière de français. Schlatter a lui-même eu l'idée de ce projet et, avec son partenaire de réalisation Peter Luisi, le duo à l'origine de la précédente collaboration sur Flitzer met en œuvre l'histoire de manière amusante. Schlatter est meilleur que jamais, jouant plus subtilement qu'auparavant le bourgeois grincheux sur lequel repose sa carrière et finit par le laisser derrière lui. Finalement, l'idée selon laquelle le fonctionnaire s'infiltre "sous couverture" dans la résistance tessinoise et découvre les manigances de son autre personnage constitue un exploit dramaturgique. Ce choix narratif engendre des scènes à la fois drôles et inventives, particulièrement en ce qui concerne les clichés suisses alémaniques. Cependant, elles sont moins inspirées pour les homologues tessinois et quasiment inexistantes pour la Suisse romande, à l'exception du personnage d'un collègue de travail du héros qui s'exprime obstinément en français. Les "High Concept Movies" font mouche lorsqu'ils touchent une corde sensible de leur public : 320'000 personnes ont déjà vu Ciao-Cia Bourbine en Suisse. Touché!
Andreas Furler