La bête
Bertrand Bonello, France, Canada, 2024o
Dans un futur proche où les émotions sont devenues une menace, Gabrielle se décide enfin à purifier son ADN dans une machine qui va la plonger dans ses vies antérieures et la débarrasser de tout sentiment fort. Elle rencontre alors Louis et ressent une puissante connexion, comme si elle le connaissait depuis toujours.
Mieux que quiconque, le cinéaste français Bertrand Bonello sait habiller le désir. L’érotisme latent de ses films se nourrit de l’art du costume. Rien d’étonnant à ce qu’il ait signé un huis clos dans une maison close (L’appolonide) et le portrait d'un couturier (Saint Laurent). Sa dernière œuvre, La bête, une histoire d’amour impossible étirée sur plus d’un siècle, porte l’attrait de la parure à son paroxysme : chaque niveau temporel du film (1910, 2014 et 2044) donne lieu à un effusion créative en matière de costumes, si bien que les deux interprètes (Léa Seydoux et George MacKay) s’apparentent parfois plus à des mannequins qu’à des acteur·rice·s. Le segment narratif le plus intéressant, qui voit le personnage féminin aux prises avec un incel, transforme la fascination visuelle pour les vêtements, qui à la fois dissimulent et subliment le corps humain, en principe de mise en scène cinématographique, comprise comme l’art du champ et du hors-champ. La scène anxiogène de cache-cache dans une luxueuse villa californienne, digne des meilleurs gialli, rappelle que Bonello est un fin connaisseur de Dario Argento, qui savait si bien mettre la peur à nu.
Emilien Gür