Le déluge
Gianluca Jodice, France, Italieo
1792, l’Ancien Régime touche à sa fin. À Paris, Louis XVI et son épouse Marie-Antoinette sont arrêtés et conduits au donjon de la Tour du Temple. Librement inspiré des carnets de Cléry, valet de chambre du Roi resté auprès de lui jusqu’à sa mort.
Film d'ouverture de Locarno 2024, Le déluge est un drôle d'objet, qui invite à revisiter la fin de la monarchie absolue en France «du mauvais côté de l'histoire». S'inspirant du Journal de Jean-Baptiste Cléry, valet du roi Louis XVI resté à ses côtés jusqu'au bout, l'Italien Gianluca Jodice l'a réalisé avec un certain brio, dans des décors et costumes reconstitués en Italie et avec des acteurs importés de France. Pas de Bastille, de Versailles ni même de Tuileries ici. Le récit commence en août 1792 avec l'arrestation du couple royal et leur transfert, avec leurs deux enfants, au Temple, propriété de l’Ordre de Malte détruite par la suite. Ni suspense ni grand spectacle, le film, divisé en trois actes («les dieux», «les humains», «les cadavres»), détaille juste leur déchéance et leur attente, avec, au bout de cinq mois, la sentence que l'on sait. Guillaume Canet, même sous un lourd maquillage, et Mélanie Laurent en Marie-Antoinette, même sans accent autrichien, sont excellents: un roi faible et devenu fataliste face à une reine en colère qui va d'un renoncement à l'autre, jusqu'à ce constat de n'avoir été que «des acteurs dans une pièce aux rôles trop grands pour eux». Pas de propos contre-révolutionnaire ici, juste l'envie de changer de point de vue, avec une certaine suite dans les idées pour l'auteur d'un portrait du poète Gabriele D'Annunzio sur le déclin (Il cattivo poeta, 2020). La mise en scène très mesurée de ce proche de Paolo Sorrentino et la superbe photo désaturée de Daniele Ciprì achèvent de faire de ce Déluge une réussite, plus convaincante que le plus ambitieux mais décevant Un peuple et son roi de Pierre Schoeller (2018).
Norbert Creutz