The Room Next Door

F Watchlist

Au cours de ses cinquante ans de carrière, Pedro Almodóvar (75 ans) est passé du statut d'enfant terrible de la scène post-franquiste madrilène à celui de vieux Monsieur du monde distingué. Pas un décor, pas un costume, pas un accessoire dans ses films qui ne respire le goût exquis, pas un éclairage, un cadrage et une orchestration qui ne contribuent au cocon esthétique dans lequel le personnel d'Almodóvar défie le déclin inéluctable avec une sérénité mélancolique et ironique. Dans son premier long-métrage en anglais, Tilda Swinton, ancienne reporter de guerre, souffre d'un cancer incurable dans un appartement de luxe new-yorkais et choisit son ancienne collègue et amie Ingrid (Julianne Moore), elle-même écrivaine à succès, pour l'accompagner dans sa mort. Martha s'est procuré une pilule de suicide sur le Darknet. Ingrid devra occuper la chambre voisine pendant les derniers jours de Martha dans une villa moderniste en campagne louée à cet effet, jusqu'à ce que la porte de Martha reste fermée en signe d'euthanasie accomplie. Ce projet déclenche des discussions sur le cours de la vie de Martha, dont nous voyons un épisode de la guerre en Irak et un autre sur le père de sa fille aliénée, vétéran du Vietnam victime de ses traumatismes, deux intrigues secondaires par rapport à l'intrigue principal. Apparait également John Turturro, ex-amant des deux femmes et professeur-Cassandre qui fait un bref exposé pessimiste sur l'insoumission de l'être humain et qui règlera les conséquences juridiques de ce suicide. La manière ostentatoire avec laquelle Almodóvar traite tout cela et fait des personnages ses porte-parole irrite, mais derrière, les vraies questions se posent. Le film parle-t-il d'une maîtrise préétablie de l'incontrôlable, qui ne fait de la mort qu'un malaise? Et le maestro assisté est-il conscient du poids que représente pour son amie l'idée capricieuse de Martha de se suicider par surprise? On n'en est pas tout à fait sûr.