Berlinguer. La grande ambizione

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À l’heure où la gauche ne sait plus sur quel front doit se jouer le Grand Soir, on n’allait pas râler à la sortie d’un biopic sur Enrico Berlinguer (1922-1984), charismatique secrétaire général du Parti communiste italiens de 1972 à sa mort. On ne se chamaillera pas ici pour savoir si sa stratégie réformiste était la bonne – ce fin stratège politique misait sur l’accès de son parti au pouvoir à travers un «compromis historique» avec les conservateurs démocrates-chrétiens: le poids politique du PCI d’alors laisse tout simplement songeur aujourd’hui, alors que Giorgia Meloni et ses tristes sbires se partagent l’exercice du pouvoir. Et même si on est peu sensible aux idées de la gauche, la vision de La grande ambition vaut la peine pour des raisons strictement cinématographiques. Portrait d’un homme et de ses idées, le film signé Andrea Segre se concentre sur quelques années de la vie d’Enrico Berlinguer, entre sa visite en Bulgarie en 1973, où il manque de perdre la vie dans un étrange accident de voiture aux airs de tentatives d’assassinat, et 1978, année de l’enlèvement et de l’exécution du démocrate-chrétien Aldo Moro, partisan du «compromis historique», par le groupuscule terroriste d’extrême-gauche les Brigades rouges. Grâce à une dramaturgie habile, le cinéaste italien retrace l’évolution du combat politique du secrétaire général du PCI en évitant toute forme de didactisme et de sensationnalisme, Charybde et Scylla du biopic. On appréciera également la fluidité avec laquelle le film ménage des allers-retours entre la vie publique de l’homme et des scènes de sa vie familiale – la tendre relation avec sa femme, le lien complice à ses enfants, au lieu d’alimenter une peoplisation du politique, servent avant tout à montrer l’être humain qu’était le politicien. Enfin, celui dont on n’a pas encore parlé jusqu’à présent, Elio Germano interprète de façon magistrale la figure d’Enrico Berlinguer. En somme, voilà un film à la hauteur de sa grande ambition.