Les filles désir

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Des mecs et des filles qui se désirent et se déchirent, on avait déjà vu ça au cinéma. On l’oublie presque en découvrant le premier-long métrage de Prïncia Car. Pas que la jeune cinéaste réinvente la poudre, mais elle débarque sur ce terrain balisé avec un mélange d’assurance et de modestie qui nous rendent son film immédiatement sympathique. En outre, elle ne lésine pas en matière de mise en scène: l’envie de se frotter au réel et au cinéma, qui parfois coïncident par magie, est palpable. Le film commence avec le début des vacances: dans un quartier de Marseille, une bande d’anciens enfants en phase de devenir adultes s’occupent d’un centre aéré. Aux manettes, Omar, un gars aux idées bien arrêtées et dont les airs de daron avant l’heure lui valent le respect de ses copains. En couple avec Yasmine, il va se marier bientôt, c’est sûr. C’est le cadre que Carmen fait voler en éclats lorsqu’elle débarque dans la vie de ceux qu’elle avait planté là il y a quelques années. Après avoir fait le trottoir, cette jeune fille n’obéissant qu’à la loi du désir – ce que le choix du prénom souligne de manière trop évidente – veut tout recommencer à zéro. Mais ses amis d’alors rechignent à lui filer un coup de main: aucun d’entre eux n’a envie d’afficher sa proximité avec cette ancienne prostituée, chacun préférant la désirer en secret pour la rejeter en public. De son côté, Omar voit ses certitudes s’ébranler: alors qu’il a enfermé sa petite amie dans le rôle de «maman», réservant tout rapport sexuel au mariage, le voilà attiré par la «putain». L’un des coups de force du film est de souligner la schizophrénie de cette classification des femmes en deux catégories, mettant le doigt sur la vision patriarcale des personnages masculins sans pour autant réduire ces derniers à des types sociologiques: nous avons affaire ici à des personnages en chair et en os, humains, c’est-à-dire complexes. Le revirement final du récit, qui laisse cette bande de mecs hétéros en plan pour se concentrer sur l’amitié naissante entre Carmen et Yasmine, est un choix audacieux qui se révèle casse-gueule. Qu’importe: quand on s’attache à un film, on aime aussi ses défauts.