Laissez bronzer les cadavres
Hélène Cattet, Bruno Forzani, Belgique, France, 2017o
Luce, artiste peintre, 50 ans passées, s’ennuie. Elle possède la moitié d’un hameau en ruine et invite, chaque été, des amis. Cette année, ce sont Max Bernier, ex-amant, écrivain réputé et alcoolique, Brisorgueil, avocat en vogue et actuel amant, et trois amis de ce dernier, Gros, Rhino et Jeannot. Ces derniers, après avoir fait les courses à Pont-Saint-Esprit, attaquent un fourgon blindé, tuant les convoyeurs, et s’enfuient avec 250 kilos d’or. En attendant que la situation se calme, ils cachent le magot chez Luce.
L’auteur de polars, scénariste et critique de cinéma Jean-Patrick Manchette avait le génie des mots. Le duo de réalisateur·rice·s Hélène Cattet et Bruno Forzani, qui signent l’adaptation cinématographique de son premier roman Laissez bronzer les cadavres !, ont le sens des images. Fers de lance, avec quelques autres (Yann Gonzalez, Bertand Mandico, etc.), d’un cinéma qualifié «d’artxploitation» (soit le pendant arty du cinéma bis), le tandem a contribué à remettre au goût du jour les sous-genres longtemps méprisés du western spaghetti et du giallo. Au point d’en faire des fétiches esthétiques. Virtuose, Laissez bronzer les cadavres confine à l'exercice de style. L’intrigue, sommaire (un hameau corse se transforme en champ de bataille sanglant entre gangsters et policier·ère·s), est retracée à la minute près, le récit faisant la part belle aux allers-retours temporels et aux changements de perspectives. Comme les personnages de ce jeu de massacre, le public déguste. Mais alors que ceux-là en prennent plein la gueule, celui-ci s’en met plein la vue. Démonstration du savoir-faire technique des réalisateur·rice·s et de leur connaissance encyclopédique du cinéma de genre, le film repaît nos yeux d’usages maniérés de longue focale, de coupes incisives et autres prouesses de montage, comble nos oreilles de morceaux choisis de l’œuvre d’Ennio Morricone, tandis que l’hémoglobine gicle sous la lumière du sud. Mais comme dirait Godard, ce n'est pas du sang, c’est du rouge.
Emilien GürWenn das französische Filmemacherpaar Hélène Cattet und Bruno Forzani ein neues Werk präsentiert, dann freuen sich vor allem die Liebhaber alter Genrewerke: Das verheiratete Regie- und Drehbuchduo sieht sich selbst offensichtlich in erster Linie als Bewahrer der blutigen Künste.
Oliver Armknecht