The Whale
Darren Aronofsky, USA, 2022o
Depuis la mort de son amant, pour lequel il avait autrefois quitté sa femme et sa fille, Charlie, professeur d'anglais, mène une vie recluse au cours de laquelle il a pris plus de 200 kilos. Pour quitter enfin le cocon du deuil et se réconcilier avec sa famille, il cherche à reprendre contact avec sa fille de dix-sept ans, Ellie.
Le cinéma est une chose étrange. On regarde sans problème – et même en état complètement captivé – un film sur un homme d'âge moyen incroyablement gros, qui ne reçoit la visite que de la sœur de son amant décédé, d'un jeune missionnaire et de sa furieuse fille adolescente, et qui semble par ailleurs déterminé à se dévorer jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et nous ne sommes pas les seuls à être fascinés : Brendan Fraser, qui incarne cette baleine humaine, a remporté l'Oscar du meilleur acteur principal en mars, et plus de 100 000 personnes ont attribué au film les rares notes comprises entre 8 et 10 sur la fameuse échelle de 10 d'IMDb. La solution de cette énigme s'appèle Darren Aronofsky. Le New-Yorkais diplômé de Harvard et créateur de trips psychologiques tels que Requiem for Dream et Black Swan parvient une fois de plus à nous scotcher à notre fauteuil pendant deux heures, sans même quitter l'uniquel lieu, l'appartement caverneux du protagoniste. Comment y parvient-il ? C'est simple : avec une histoire toujours en mouvement dont les antécédents ne sont révélés que lentement. Nous apprenons peu à peu comment ce mari homosexuel a eu une fille, ce qu'il a sacrifié pour son futur amour et qui il a blessé. Comme les grands dramaturges, Aronofsky ne fait pas de son anti-héros un simple colosse éploré, mais un personnage plein de vitalité et de contradictions. Et, comme les grands, il dose intelligemment les révélations et les pousse à leur paroxysme dramatique sans fausse inhibition. Pour certains, cela peut aller trop loin, surtout à la fin, presque métaphysique. Je me suis plutôt senti comme Franz Kafka selon son journal le 20 novembre 1913 : "Au cinéma. Pleuré".
Andreas Furler