Hors-saison
Stéphane Brizé, France, 2024o
Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.
Mélodrame sec, Hors-saison est sans doute le plus beau film à ce jour de Stéphane Brizé, connu pour ses drames sociaux avec Vincent Lindon, tantôt chômeur à la merci de La loi du marché, tantôt salarié menacé de licenciement En guerre contre ses patrons. Ici, il est également question de perte d’emploi, mais le chômage est volontaire : un célèbre acteur de cinéma trouve refuge dans un luxueux hôtel de bord de mer après avoir quitté les planches du théâtre où il devait jouer son premier rôle sur scène, par peur de l’échec. Incompris par ses proches, il reçoit un message d’un amour de jeunesse, une pianiste à la carrière enterrée. Établie dans la bourgade où il est venu ruminer sa désertion, elle désire le voir. Rendez-vous est pris. De fil en aiguille, de pauses café en longues balades sur les plages désertes, ils s’aiment à nouveau, ravivent les blessures du passé, une dernière fois, avant qu’il ne reparte pour de bon dans son monde de paillettes et de célébrité, la laissant seule avec ses rêves de reconnaissance inassouvis dans son patelin endormi où l’hiver semble sans fin. Le casting est judicieux, avec Guillaume Canet parfaitement crédible en acteur passe-partout à succès et la magnifique Alba Rohrwacher en femme d’âge mur ayant troqué ses illusions et son grand amour pour une vie de famille aussi chaleureuse que rangée. Habile metteur en scène, Stéphane Brizé la filme pleurer de dos. On parle ici d’un cinéma à l’élégance feutrée, où l’on retient l’émotion pour mieux la laisser ensuite s’épancher. Dans Hors-saison, les larmes affleurent sans cesse au coin de l’œil.
Emilien Gür