Averroès & Rosa Parks
Nicolas Philibert, France, 2024o
Averroès et Rosa Parks : deux unités de l’hôpital Esquirol, qui relèvent – comme l’Adamant – du Pôle psychiatrique Paris-Centre. Des entretiens individuels aux réunions «soignants-soignés», le cinéaste s’attache à montrer une certaine psychiatrie, qui s’efforce encore d’accueillir et de réhabiliter la parole des patients. Peu à peu, chacun d’eux entrouvre la porte de son univers. Dans un système de santé de plus en plus exsangue, comment réinscrire des êtres esseulés dans un monde partagé ?
Alors que la France traverse une crise hospitalière due à un manque flagrant de personnel, le documentariste Nicolas Philibert s'attache à filmer quelques «lieux d’exception» dans le monde de la psychiatrie, qui se distinguent par le soin apporté à la relation entre soignant·e·s et soigné·e·s. Tourné dans deux unités de l’hôpital Esquirol à Paris, son nouvel opus, qui fait suite à son précédent documentaire Sur l'Adamant, donne à entendre la parole de patient·e·s au cours d’échanges avec des membres du personnel soignant. Si les premier·ère·s font allusion par moments au surmenage des dernier·ère·s et critiquent le fonctionnement de l’institution, Nicolas Philibert ne filme jamais les moments de crise évoqués, entretenant ainsi une image légèrement enjolivée du monde hospitalier. Cette réserve n’ôte rien au talent éprouvé du documentariste, dont on salue la capacité à saisir dans une proximité bienveillante les entretiens entre soignant·e·s et soigné·e·s. La présence et la parole de ceux·elles-ci, où s’expriment aspiration à la liberté et souffrance, imprègnent le film de leur singularité. Certaines sorties continuent à nous habiter longtemps après la projection, à l’instar de cette réplique d’une patiente à un soigné : «Tu ne vas pas m’embêter avec ta réalité».
Emilien Gür