Miséricorde

F Watchlist

Lorsque le vieux curé du village saute du lit avec sa très visible érection pour ne pas compromettre l'alibi de l'assassin allongé à côté de lui, il est déjà clair depuis longtemps que nous n'avons pas affaire à l'un de ces polars villageois français moralisateurs et bien pensants. On n'en attendait pas moin du réalisateur français Alain Guiraudie, connu notamment pour L'inconnu du lac (2013), chef-d'œuvre minimaliste sur le désir et la mort ayant pour cadre une plage de rencontres homosexuelles, et Viens je t'emmène (2022), où les habitants d'une petite ville du centre de la France ne se laissent pas détourner de leurs obsessions sexuelles par une attaque terroriste. Le désir, chez Guiraudie, est omniprésent et omnidirectionnel. Il fait fi des conventions cinématographiques et sociales, des différences d'âge, des rôles sexuels et des apparences physiques. Ainsi, lorsque Jérémie (Félix Kysyl) – qui est moins le protagoniste de Miséricorde que le prisme dans lequel se concentrent les vecteurs chaotiques du désir – retourne dans son village natal, les forces qui structurent normalement la réalité quotidienne (comme la foi, l'amour et l'espoir) laissent la place à d'autres valeurs. Ici, tout le monde a des vues sur tout le monde, mais pas toujours de manière réciproque ou simultanée – et pas toujours de manière sexuelle. Dans la clairière brumeuse qui surplombe le village, les complexes d'Œdipe, la jalousie et des pulsions encore moins avouables s'affrontent, et les fluides corporels déversés font germer les morilles pour le plus grand plaisir des cueilleurs de champignons. De même, tout ce qui est communément refoulé – du plaisir à la mort – remonte peu à peu à la surface et est considéré sans jugement de valeur. C'est avec une certaine surprise que l'on constate à quel point tout cela peut être amusant.