À toute allure
Lucas Bernard, France, 2024o
Elle est officier de sous-marin nucléaire, lui est steward. Les deux font escale sur une île de Polynésie. Avant de plonger pour 90 jours, elle choisit de s’envoyer en l’air avec le bel inconnu. Sous le charme, celui-ci la suit en cachette dans l'embarcation et plonge avec l'équipage au fond de l'océan. L'opération militaire se transforme en improbable exercice de séduction.
Parfait inconnu, Lucas Bernard se révèle, avec ce deuxième long-métrage, le digne héritier d’Howard Hawks, cinéaste de la vitesse et mélangeur de genres. On retrouve dans À toute allure le goût de l’aventure et le penchant pour l’excentricité du réalisateur de Seuls les anges ont des ailes (1939) et de L’impossible monsieur bébé (1938), remis au goût du jour avec la fraîcheur et l’impertinence qui s’imposent pour réussir une «screwball comedy» digne de ce nom. Bonne nouvelle pour le cinéma, étonnamment passée sous silence à la sortie du film en salles. On se rattrapera ici en faisant l’éloge de cette comédie romantique inventive, brodée autour de la rencontre entre un steward (Pio Marmaï) et une haute gradée de l’armée sous-marine (Eye Haïdara). À la faveur d’une escale en Polynésie, ces deux fortes têtes à la réplique cinglante flirtent autour d’un cocktail sous le regard hébété de leurs collègues respectifs, qui les voient bientôt disparaître dans la cuisine du bar pour prolonger de façon charnelle leur joute verbale. Pressés de jouir, les deux célibataires n’ont même pas le temps de se dévêtir: Madame doit regagner fissa le sous-marin pour sa prochaine expédition. Il leur faudra tout un film pour continuer à se courir après, lui s’infiltrant dans l’embarcation militaire pour donner suite à son désir, elle s’agaçant de sa présence tout comme de l’opération de charme par laquelle il cherche à se mettre l’équipage dans la poche: 86 minutes qui passent à toute allure, au gré de dialogues brillants, de comédien·nes excellent·es (rôles secondaires compris), d’une mise en scène ingénieuse et d’une peinture désopilante de la camaraderie militaire vingt mille lieues sous les mers. Un cocktail aussi réussi que celui offert par le steward au commandant lors de leur première rencontre. Nul doute que Howard Hawks le trouverait à son goût.
Emilien Gür