Le répondeur
Fabienne Godet, France, 2025o
Baptiste, un imitateur de talent, ne parvient pas à vivre de son art. Un jour, il est approché par Pierre Chozène, un romancier célèbre dérangé par les appels téléphoniques de ses proches. L'écrivain a besoin de calme pour l'écriture de son prochain texte. Il propose alors à Baptiste de devenir sa voix au téléphone et de répondre à tous ses appels. L'imitateur devient ainsi son répondeur et la supercherie fonctionne à merveille... Il ne fait pourtant aucun doute que cette bombe à retardement, tôt ou tard, finira par exploser.
Pierre Chozène, écrivain occupé, cherche imitateur de talent pour répondre aux appels de ses proches qui l’empêchent de travailler. C’est sur cet appel d’offre totalement absurde et légèrement pervers que repose Le répondeur, adaptation d’un roman de Luc Blanvillain: une belle idée de scénario, alliant le motif de la doublure à la question de la sous-traitance avec, en toile de fond, le milieu littéraire parisien et ses petites stars. Le potentiel critique du scénario se dégonfle vite: celles et ceux qui espéraient une satire acerbe sur la répartition inégalitaire de cette ressource en voie de raréfaction nommée le temps, devront se contenter d’une comédie inoffensive mais pas pour autant dénuée de charme. Ce dernier tient au jeu de Salif Cissé (Juliette au printemps, La vie de ma mère), timide imitateur de talent qui, à défaut de vivre de sa passion, officie dans un centre d’appel téléphonique spécialisé dans la vente d’assurances pour animaux. La tendresse réservée de l’acteur nourrit le capital de sympathie de son personnage, artiste de scène en devenir qui trouve un tremplin – et un gagne-pain – idéal dans l’offre que lui fait l’écrivain goncourisé (Denis Podalydès): répondre à sa place au téléphone. Bientôt, le jeune imitateur tombe sous le charme d’une des interlocutrices régulières de l’homme de lettres, une peintre inhibée artistiquement qui n'est autre que sa fille. Bien sûr, ce jeu du répondeur est une bombe à retardement destinée à exploser tôt ou tard. En lieu et place du soufre libéré par la détonation, on goûtera à un happy end consensuel. Mais que le dénouement d’un film intitulé Le répondeur paraisse téléphoné, voilà la marque d’une cohérence qu’il serait mal vu de critiquer. On savourera en revanche le discret éloge du cinéma porté par le film: les salles obscures comptent parmi les derniers bastions où les ondes téléphoniques sont encore bannies. Message reçu cinq sur cinq.
Emilien Gür