Yes

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Ne vous laissez pas rebuter par les premières minutes de ce film: elles dépeignent une haute société israélienne profondément décadente, que seuls l’argent, les fêtes, la drogue et le sexe intéressent. On comprend par la suite que le jeune couple animant cette séquence d’ouverture excessive ne fait, en réalité, que divertir l’élite, offrant en prime des services sexuels. Le dilemme mis en scène par Nadav Lapid (Le genou d’Ahed), virulent critique de la société israélienne, colle aux basques de Y. (le nom du protagoniste, prononcé «Youd») et de sa compagne Yasmin au lendemain de cette fête et durant les quelques 130 minutes de film restantes. Y. emmène à la crèche son jeune fils, né le lendemain du massacre perpétré par le Hamas, sirote ses smoothies et joue quelques notes sur son piano, pendant que Yasmin entraîne des amateur·ices de danse et de fitness... et que défilent, sur leurs téléphones, des notifications alertant sur le nombre de victimes à Gaza. En bref: la dolce vita à Tel Aviv, tandis qu’à quelques kilomètres pleuvent les bombes. Mais Oui ne se contente pas de cette peinture à vif d’une situation schizophrénique: Lapid pousse son anti-héros Y. dans un conflit artistique de plus en plus indémêlable, tiraillé entre résistance et propagande, jusqu'à l’envoyer aux abords de la bande de Gaza. Là, Y. retrouve un amour de jeunesse, désormais traductrice pour l’armée. Dans une scène virtuose, celle-ci débite à toute vitesse les horreurs du 7 octobre, avec une telle intensité que dégoût et compassion se confondent, étouffés par l'appétit de vengeance. En d’autres termes: de par sa force et son intelligence, Oui est le film qu’on espérait voir venir d’Israël en ce moment précis. Il montre le basculement d’une société où militaires, grandes entreprises et religion – ou plutôt la transformation perverse d'une religion en marque d'identité ethnique – poussent à l’absurde le projet de défense de la nation. Au «Plus jamais la Shoah!» succède progressivement la destruction de tous les ennemis d’Israël.